Bien s’alimenter

Bien s’alimenter

Mettre en réserve, diffuser rapidement et enfin reconstituer ; tels sont les mots d’ordre de l’alimentation solide et liquide à l’effort. Bien évidemment ces objectifs ne sont pas recherchés au même moment. Ils s’inscrivent dans l’alimentation intervenant avant, pendant et après l’effort.

1 Avant l’effort prolongé

1.1 Une semaine avant Dans le chapitre consacré à l’énergie (énergie / les aliments) nous montrons que l’arrêt d’un effort effectué à une intensité imposée intervient lorsque les réserves en glycogène musculaire (sucre complexe) sont épuisées. Partant de ce constat, l’intérêt, déjà grandissant, envers les méthodes visant à augmenter les réserves musculaires en sucres avant la course, s’est acceléré. De toutes les méthodes expérimentées, une a connu une certaine postérité : le régime dissocié scandinave.
Le régime dissocié scandinave Ce régime scandinave prenait place environ une semaine avant la course. Associant l’alimentation à l’entraînement, il passait par deux phases successives :
Dans la période la plus éloignée de la compétition (-7 à -3 jours) l’athlète effectuait des entraînements longs et difficiles afin d’épuiser ses réserves en sucres. Dans le même temps, l’alimentation était majoritairement composée de lipides et de protides (graisses et viandes). A l’issue de cette phase d’épuisement des stocks musculaires intervenait la phase de mise en réserve.
3 jours avant la compétition, les athlètes se mettaient à ne manger quasiment que des glucides (pâtes, riz, pain…) tout en allégeant considérablement l’entraînement.
Les muscles qui venaient de vivre une période de disette, engrangeaient alors plus de réserves qu’à l’accoutumée. Les taux de glycogène pouvaient être multipliés par 2 ou 3 par rapport aux réserves de repos.Comme tout excès à son revers, ce régime a posé de nombreux problèmes. L’entraînement intense sans alimentation adaptée épuisait complètement les sportifs. L’absence de glucides dans la ration pouvait amorcer des « empoisonnements acides » de l’organisme. Enfin, le retour à une alimentation abondante créait de nombreux problèmes digestifs (diarrhées, vomissements…).
Avec le temps, nous en sommes venus à un peu plus de modération. Actuellement, il est conseillé aux coureurs se préparant à une compétition importante de réduire leur entraînement dans les dix derniers jours et d’augmenter la ration de glucides (pasta party) dans les 3 derniers jours sans pour autant se surcharger (voir aussi le secteur dopage).

1.2 Quelques heures avant l’effort Quelques heures avant l’exercice musculaire, l’athlète a intérêt à surveiller son alimentation et son hydratation.
L’alimentation L’objectif de l’alimentation qui précède l’exercice est d’apporter des calories qui seront ingérées progressivement jusqu’à l’effort sans engendrer de troubles digestifs.
L’athlète gagnera à prendre un dernier repas au moins 4 heures avant l’exercice. Pour parvenir à associer apport d’énergie et digestion facile, un repas essentiellement à base de sucres sera le bienvenu. L’ingestion concomitante d’aliments gras ou difficiles à digérer risque d’allonger les délais de digestion bien au-delà des 4 heures prévues. Un bon repas peut mettre plus de 8 heures à passer pour ¾ de l’estomac à l’intestin. Le repas ne doit donc pas être trop chargé (pas de sensations de ventre lourd).
Dans l’heure qui précède la course, avant qu’intervienne l’échauffement, un apport notable de sucres, n’est pas conseillé. En effet, ceux ci provoquent une entrée massive de sucre dans le sang. Le corps réagit en secrétant de l’insuline qui a pour effet de capter ce sucre et de le mettre en réserve. Ce phénomène ayant une certaine cinétique, il se peut, qu’il provoque une diminution transitoire du taux de sucres dans le sang. Le coureur peut alors ressentir un malaise passager (sueur, palpitations, tête qui tourne) du à cette hypoglycémie réactionnelle (Bonen et coll, 1981). Si vraiment la faim le tenaille, il gagnera à manger des sucres qui n’engendrent pas un effet aussi marqué. C’est le cas du fructose par exemple (Koivisto et coll, 1981). Cet effet « hypoglycémiant » est considérablement réduit si l’athlète a déjà fait son footing d’échauffement. Ainsi, il n’est pas gênant de croquer un sucre ou de prendre une boisson sucrée après avoir fait quelques minutes de footing.
L’hydratation Au niveau hydratation, l’objectif est de procurer au corps un niveau liquide lui permettant de retarder le plus possible la survenue d’une déshydratation sans pour autant l’obliger à s’arrêter pour uriner pendant l’effort.
Le premier conseil pour parvenir à cet équilibre consiste à éviter l’alcool et le café qui favorisent la déshydratation. Le deuxième conseil consiste à boire souvent des petites quantités de liquide pendant l’heure qui précède l’exercice. Le total des prises ne devra toutefois pas dépasser un litre. La boisson ingérée a de l’importance. En effet, il est probable qu’une prise importante d’eau avant un effort ne fasse rien d’autre que nous obliger à uriner. Dans le paragraphe qui suit, nous donnons les conseils permettant d’éviter ce désagrément.

2 Pendant l’effort

2.1 Les objectifs
Pendant l’exercice de durée, l’alimentation (aliments et boissons) du coureur doit permettre de : 1
Eviter la déshydratation
Plus des ¾ de l’énergie que l’athlète transforme est convertie en chaleur. Le principal moyen d’évacuer cette chaleur est la sudation.
Résultat, en 1 heure de course, le coureur peut perdre plus de 2 litres de sueur. En moyenne, un marathon provoque une perte de poids de 3 kg – environ 3 litres d’eau – (Rehrer et al, 1989). Or, seulement 2% de pertes hydriques (environ 1,5l) réduisent la capacité à fournir un effort de 20%. Plus embêtant, la déshydratation peut avoir des effets fâcheux sur la santé. Les symptômes associés au manque d’eau peuvent être classés en 3 phases selon leur degré de gravité :
phase 1 : le coureur ressent des frissons, il peut avoir des nausées. Sa peau est moite, son volume sanguin diminué. Son taux de déshydratation est compris entre 2 et 5%. Il a déjà perdu prêt de 2 kg.
phase 2 : la bouche devient sèche. Des maux de tête apparaissent. La respiration est difficile, la fatigue extrême. L’athlète a perdu plus de 5% de son poids.
phase 3 : C’est l’état de choc. La perception est troublée, les mouvements ne sont plus coordonnés. Des vomissements, des diarrhées peuvent venir accentuer les pertes. Quand celles ci atteignent 10% du poids corporel, l’équilibre biologique ne peut plus être rétabli. Dans les cas extrêmes, la perte pondérale peut atteindre 10 kg.
Une bonne hydratation avant et pendant la course permet de limiter – mais pas d’éviter – les pertes liquides. Nous verrons quel liquide rempli le mieux cette fonction.

2 Eviter l’hypoglycémie et l’épuisement complet du glycogène musculaire Nous avons signalé que les réserves en sucres de l’organisme étaient un facteur limitant de l’effort. Plus dangereux, le taux de sucre dans le sang peut chuter dangereusement et provoquer une perte de connaissance. C’est l’hypoglycémie. Un apport de sucre pendant la course – sous forme solide ou en dilution – permettrait d’épargner les réserves de l’organisme (Bjorkmann et coll, 1984).

3 Compenser partiellement les pertes en électrolytes, vitamines, minéraux La sueur que nous évacuons pendant l’effort est chargée de substances indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. L’alimentation devrait permettre de diminuer l’amplitude de ces pertes.
Les trois effets qui précèdent gagnent à être accomplis le plus rapidement possible et sans engendrer de nuisances.

4 Ne pas provoquer de troubles digestifs, ce qui suppose une absorption facile. L’effort s’accompagne de troubles de la digestion pour plus d’un marathonien sur deux (troubles biologiques/digestion). Ces pathologies sont inhérentes aux adaptations biologiques liées à l’exercice. Elles sont accentuées par la déshydratation (Rehrer et al 1989) et peuvent être déclenchées par l’alimentation. D’où l’intérêt d’ingérer des substances ayant des caractéristiques qui facilitent leur passage dans l’organisme sans surcharger un système digestif déjà fragilisé par l’effort.
L’idéal est bien entendu d’ingérer des aliments – liquides ou solides – permettant de satisfaire à toutes ces conditions. L’apport de sucres (carrés de sucre) et même lent en cas d’effort très prolongé de type 100kms ou raids peut se faire sous forme solide. Il suffit de croquer un carré de sucre ou des fruits secs pendant l’effort. Toutefois, il semble que les solides demandent des efforts et nécessitent un temps de digestion assez élevé. Ces inconvénients sont minimisés par l’absorption de liquides dont la composition répond à certaines conditions.

2.2 Une boisson de l’effort

Les conseils suivants permettent de concilier les 4 impératifs dont nous venons de parler.
boire quelle quantité et quand ? Inutile de préciser qu’il est préférable de boire pendant les courses dont la durée dépasse une heure et qu’il devient indispensable de le faire quand l’effort se prolonge au-delà de deux heures (Guezennec et coll 1988). Il est important de boire dès les premiers ravitaillements même si l’envie n’est pas là. La soif se fait sentir quand la déshydratation est déjà bien entamée. La prise de boissons gagnera à être fréquente. Il est recommandé de boire souvent des petites quantités, plutôt qu’une grande quantité de temps en temps. L’organisme n’est pas capable d’absorber plus de 0,4-0,5 litres d’une traite (environ 1 l à 1,5 l par heure voir moins en ambiance tempérée) (Costill et Saltin, 1974). De plus, plus l’apport est réparti dans le temps meilleure est l’hydratation. Des ingestions de 10-15 ml (1 verre d’eau) répétées tous les quarts d’heure sont les bienvenues. La fragmentation de la prise de liquides réduit les difficultés de digestion et augmente l’absorption du liquide.

Les progrès accomplis dans les ravitaillements permettent de s’approcher de ses valeurs.
que boire ? L’objectif est de prendre une boisson qui s’approche le plus possible des caractéristiques des liquides corporels. Le système digestif n’ayant pas à gérer des différences de concentrations importantes, la pénétration des éléments nutritifs sera améliorée. Dans l’état actuel des connaissances, le consensus le plus général tourne autour des valeurs suivantes :
sucres : si la boisson est très sucrée le temps d’ingestion est augmentée et des troubles digestifs peuvent se manifester. Si en revanche elle est peu ou pas sucrée, une bonne partie du liquide ne sera pas absorbée et devra être évacuée par l’urine. Le coureur sera alourdi, sa respiration pourra être gênée, il devra peut être s’arrêter pour uriner. Une concentration de 60-80 g/l permet d’éviter ces inconvénients tout en apportant une partie du sucre nécessaire au travail musculaire.
électrolytes : environ 200 mg par litre de sodium et de potassium.
minéraux : l’apport n’est pas franchement utile pendant l’effort et peut mettre s’avérer néfaste.
à quelle température ? En dépit des quelques controverses récentes sur le sujet, il apparaît que les liquides frais pénètrent plus vite dans l’organisme. La zone de température idéale s’approche de 10°C avec des extrêmes comprises entre 5 et 15°C (Brouns, 1989). Attention toutefois à ne pas prendre de boissons trop froides au risque de provoquer des diarrhées et des infections des voies respiratoires supérieures.
Un quart d’heure après l’ingestion d’une telle boisson, les ¾ du liquide sont passés au niveau intestinal.
Pourtant, un problème de poids demeure. Comment faire concrètement ? Comment mesurer le potassium et le sodium ? Comment être sûr du taux de sucre ? La petite recette qui suit apporte des réponses :
Une recette pratique Prendre une bouteille d’1 litre, la remplir à moitié d’eau Presser une orange ou deux citrons. Verser le jus dans la bouteille Mettre une pincée de sel (1-2g) dans le liquide Ajouter 3-4 cuillérées à café de sucre en poudre (il est possible de délayer le sucre séparément dans un bol avec un peu d’eau en remuant avec une cuillère puis de verser le tout dans la bouteille. Cette opération facilitera la dilution complète du sucre dans l’eau) Ajouter de l’eau pour compléter la bouteille Refermer, remuer énergiquement le tout. Placer le tout au frigo (pas trop froid). Nous disposons d’un litre d’une boisson de l’effort prêt à l’emploi.
La limite de cette pratique personnalisée arrive quand il s’agit d’utiliser cette boisson en course. A l’entraînement, cela ne pose pas de problèmes. Il suffit de prendre la bouteille, de la placer dans une petite protection thermique et de la disposer à un endroit sûr de son lieu de pratique. En revanche, en compétition, soit nous connaissons une personne qui peut nous amener la boisson sur le parcours soit nous nous privons de boisson énergétique personnelle pendant la course.
Si toutefois, la course dure moins de 2 heures, ne nous alarmons pas, de l’eau fraîche sera bien suffisante.
Un dernier conseil, n’essayons pas d’innover en compétition. Quelque soit la solution que nous adoptons (eau, boisson d’effort) nous avons tout intérêt à l’essayer à l’entraînement.

3 Après l’effort

Il importe de reconstituer l’équilibre en eau, en électrolytes et en glucose. Mais attention, après un effort important, le système digestif est très fragilisé (les troubles biologiques).
L’hydratation Après un effort prolongé, la réhydratation prend plusieurs heures. Or, la sensation de soif s’estompe beaucoup plus rapidement. Il importe donc de se souvenir de boire régulièrement par petites doses. Des boissons sucrées et légèrement salées permettront d’allier l’apport de glucides à la reconstitution des stocks de sodium.
L’alimentation Une alimentation riche en électrolytes (potassium, sodium…) en vitamines et en aliments glucidiques est à privilégier. Respectivement, des aliments comme les bananes, oranges, fruits secs, légumes, bouillon (électrolytes et vitamines), pâtes, riz (glucides) permettent de répondre à ces besoins. La proportion de protides (viandes) ne doit pas être trop importante. Leur dégradation conduit à des composés uriques nocifs qui s’ajoutent à ceux provoqués par l’exercice musculaire.
Signalons pour terminer que ces conseils orientés « effort prolongé » sont également valables pour les efforts plus courts et acides. Quelques adaptations peuvent cependant être apportées notamment juste après l’effort.
Exercice intense et court Après un exercice intense et court, l’objectif est de réduire le plus rapidement possible l’acidité de l’organisme. Une parade consiste à boire, dans les minutes qui suivent l’effort, une boisson à haute teneur en bicarbonates (St Yorre, Vichy Célestin…). Après cette première phase, l’ingestion d’eau plate pourra reprendre afin d’éviter les problèmes de remontées d’air…
L’alimentation à proximité de l’effort peut comprendre un peu de sucres rapides et lents (barres énergétiques). Il arrive cependant que ce type d’exercice coupe la faim et donne plus envie de vomir que de manger. Dans ce cas, il est possible de prendre d’une boisson qui comprend un peu de sucre dilué ou simplement d’attendre que l’appétit revienne. Le repas qui suit l’effort devra répondre aux mêmes critères que celui suivant l’effort prolongé. La limitation des aliments réputés acides (épinards, agrumes) pourra être encore plus marquée. Ceci ne doit cependant pas empêcher de prendre un bon jus de fruits avant le repas.